Dans un monde où l’on achète des biens et services en quelques clics, l’Algérie semble découvrir une technologie encore plus ancienne, « la carte bancaire ». Un article publié dans le journal français LeMonde revient sur cette vidéo virale qui montre un sénateur algérien, accompagné d’un wali délégué, en train de payer par carte des produits laitiers dans un village à l’est d’Alger, le tout sous les yeux admiratifs de ses équipes. La séquence, filmée en mars 2025, avait pour objectif de montrer les « progrès » du pays en matière de dématérialisation des paiements. Mais ce qu’elle révèle avant tout, c’est une Algérie qui semble coincée dans une époque déjà révolue où la carte bancaire est encore vue comme une révolution.
En Algérie, on filme encore des officiels qui découvrent la carte bancaire… censé « témoigner d’une avancée en matière de dématérialisation des paiements » https://t.co/4kiY2NFoay pic.twitter.com/sb4aQ6YuDf
— Fdesouche.com est une revue de presse (@F_Desouche) March 14, 2025
Quand, à l’échelle mondiale, les paiements se font sans contact, via mobile ou même par simple reconnaissance faciale, l’Algérie, elle, préfère encore s’en tenir aux billets. Le Groupement d’intérêt économique monétique nous apprend qu’en 2023, 90 % des cartes bancaires en Algérie sont utilisées pour retirer de l’argent, et non pour payer directement. Les cartes bancaires, c’est bien pour le retrait à un distributeur, mais pas question de les utiliser en magasin ou sur Internet. Ce n’est tout de même pas si grave de vivre au rythme du cash, surtout pendant le ramadan, où les longues files d’attente devant les DAB sont devenues une tradition. Rien de mieux que de s’armer de patience pour retirer ses billets. Un peu de suspense dans la vie de tous les jours, n’est-ce pas ?
D’après Le Monde, cela fait des années que l’Algérie a raté son « virage numérique ». Le pays, qui a vu la 3G débarquer en 2013, peine à rattraper son retard. Et quand la pandémie de Covid-19 a forcé d’autres pays à accélérer leur transition numérique, l’Algérie a, elle, observé, se contentant de quelques « progrès » : une petite hausse des paiements en ligne, et une minuscule croissance des paiements dématérialisés entre 2023 et 2024. Mais pour les Algériens, l’expérience de payer avec une carte bancaire reste encore un fait étrange. Et ce, malgré des chiffres qui tentent de cacher l’ampleur du retard.
Comme le rapporte l’étude de l’Institut des sciences économiques d’Alger, seulement 3 % des commerçants sont équipés d’un terminal de paiement. Autrement dit, 97 % des commerçants continuent à vivre dans un autre monde, loin des concepts modernes de paiement dématérialisé. Le fameux terminal utilisé par le sénateur à Barika ? Il fait office de curiosité technologique dans un pays où les transactions électroniques ne représentent qu’une fraction des échanges.
Pourtant, les Algériens sont prêts pour la révolution numérique. Enfin, presque. Une étude révèle que de nombreux citoyens sont méfiants à l’idée de faire des paiements dématérialisés. Le cash a ses avantages : pas de risques de bugs, pas de « décrochage » des paiements en ligne. En somme, la carte bancaire est un concept que peu de gens comprennent, mais que tout le monde craint. Le vrai confort, semble-t-il, c’est de ne pas risquer de voir son argent disparaître dans un « bug ».
Les autorités tentent de mettre un coup d’accélérateur à cette lente transition numérique en incitant les citoyens à acheter leurs vignettes automobiles en ligne. Grâce à une plateforme numérique, les Algériens peuvent désormais régler leur vignette sans quitter leur domicile. Mais attention, pas d’illusion : cette mesure, c’est un « pas en avant »… à condition d’accepter encore de payer en cash dans les guichets des impôts. Bref, un « progrès » en double face : numérique d’un côté, archaïque de l’autre.
Malgré les efforts louables des autorités, l’Algérie reste en retard. Un retard, certes, mais qui ne semble pas gêner la population, qui continue à payer en liquide, en espérant que la modernité viendra d’elle-même. Mais après tout, qui a besoin de la carte bancaire quand on peut toujours se rabattre sur de bons vieux billets ?