Le Maroc a réussi, en l’espace de quelques années, à améliorer son positionnement dans les chaînes de valeur mondiales (CVM), affirme un Policy Brief de la Direction des études et des prévisions financières (DEPF).
« En ce sens, il y a une augmentation modeste à la fois de l’incorporation de la valeur ajoutée étrangère dans les exportations nationales et de la valeur ajoutée locale dans les exportations des pays tiers, quoique des disparités notables persistent au niveau des différents secteurs productifs », relève Hasna Mrani Alaoui, l’auteure de ce policy brief, publié sous le titre » Positionnement du Maroc dans les chaînes de valeur mondiales ».
Sa participation en amont, poursuit la même source, a progressé à un rythme plus élevé que celle en aval, notant que cette configuration rend l’économie nationale plus vulnérable aux chocs d’offre potentiels de pays positionnés plus en amont des CVM.
« Certes, le Maroc dispose de marges de manœuvre pour des économies d’échelle substantielles, mais il demeure confronté au double défi de passer à des segments à plus forte valeur ajoutée et d’y impliquer davantage le tissu productif local à ces chaînes, au risque de rester confiné aux segments non porteurs », souligne Mrani Aloui, ajoutant que le Royaume est contraint de déployer des efforts supplémentaires et de relever des défis pour monter en gamme et accélérer le processus de transformation structurelle.
Ces défis sont liés particulièrement à l’investissement dans le capital intellectuel, selon la même source, relevant que cet investissement contribue non seulement à l’amélioration de la productivité, mais également à la différenciation du produit fini de la chaîne et au renforcement de sa présence sur les réseaux mondiaux.
Et d’expliquer: « Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), trois grands types de capital intellectuel interviennent dans les CVM : les données informatisées (logiciels et bases de données); le capital d’innovation (R&D et autres facteurs d’innovation, droits d’auteurs, modèles et dessins et marques commerciales); et les compétences économiques (valeur de la marque, compétences particulières en matière de technologie et de gestion, réseaux et structures organisationnelles) ».
En effet, le haut niveau de la création de valeur à l’intérieur d’une CVM s’atteint souvent en amont, dans des activités particulières comme le développement conceptuel, la R&D ou la fabrication des pièces détachées et de composants essentiels, mais aussi en aval, par exemple dans les domaines du marketing, de la stratégie de marque ou des services à la clientèle.
Dans ce sens, il convient d’assurer une cohérence entre l’offre de formation des compétences et les choix stratégiques de développement du pays et une meilleure connexion entre les centres de recherche et le secteur privé, recommande la DEPF.
Il s’agit aussi du renforcement de l’intégration au niveau régional, ce qui pourrait constituer un tremplin pour une meilleure insertion du Maroc dans les CVM. « L’exploitation de la complémentarité des facteurs de production et des ressources au niveau régional renforcerait la compétitivité des industries et les liens avec les économies locales, induisant ainsi des effets d’entraînement catalyseurs de croissance », explique le policy brief.
La multiplication des accords commerciaux régionaux (ACR) en Asie du Sud-Est, au cours des dernières années, a contribué à l’intégration de la zone dans les CVM, fait observer la même source, ajoutant que le Costa Rica constitue un exemple de pays qui, grâce aux 11 accords commerciaux qu’il a négociés avec 42 pays, a amélioré son insertion dans les CVM de l’électronique, de l’équipement médical, de l’automobile et de l’aéronautique.
Les défis sont liés également à l’adaptation du code de travail. « Les réglementations strictes en termes d’embauche et de licenciement réduisent les possibilités aux entreprises marocaines de s’adapter aux variations de leur activité économique et de s’adapter aux différents chocs exogènes », relève l’auteure du policy brief.
Elles contribuent, en outre, à retarder les processus de réallocation de la force de travail et d’adaptation aux besoins du tissu productif. « Il importe, ainsi, de simplifier le Code du travail en prenant comme modèle les normes et les pratiques internationales sur des aspects comme les indemnités de licenciement, le recours aux contrats à durée déterminée, la flexibilité du nombre d’heures travaillées et la rémunération des heures supplémentaires », préconise la même source.
Il s’agit aussi de l’amélioration de la qualité des institutions et des administrations qui pourrait être déterminante dans la décision d’investissement. « Notre pays gagnerait à accélérer la réforme de l’administration à travers la mise en œuvre des dispositions des mesures législatives et l’accélération de la mise en place de la Charte de Déconcentration Administrative en tant que jalon pour accompagner la dynamique territoriale et le soutien à la transformation digitale de l’Administration », souligne le policy brief.
Les CVM exigent, en outre, des institutions publiques saines qui veillent au respect des termes des contrats, protègent les droits de propriété et les investisseurs, garantissent l’impartialité du pouvoir judiciaire et luttent contre la corruption. « Ainsi, il est indispensable de poursuivre la mise en œuvre de la charte de la réforme de justice, dont les grands objectifs consistent à consolider l’indépendance du pouvoir judiciaire, à moraliser le système de la justice, à renforcer la protection des droits de l’homme et des libertés, à améliorer l’efficacité et l’efficience de l’appareil judiciaire, à étendre les capacités institutionnelles du système judiciaire et à moderniser l’Administration judiciaire », relève Mme Mrani Aloui.
De même, elle recommande la poursuite de l’amélioration de la qualité de la logistique compte tenu de son rôle dans la facilitation des échanges et le développement des CVM. « D’après l’OCDE, chaque jour supplémentaire requis pour préparation d’une livraison ou réception internationale contracte le volume des échanges d’environ 4% ».
Il convient également de mettre en place une stratégie de développement du fret (maritime, aérien, routier) à l’égard des pays de l’Afrique subsaharienne afin de promouvoir les échanges intrarégionales et favoriser l’édification des chaînes de valeur régionales », souligne le Policy Brief.
Ce Policy Brief de la DEPF a pour objectifs de déterminer le niveau de participation de l’économie marocaine aux CVM (en amont et en aval) et d’identifier les origines et les caractéristiques du déficit commercial du Maroc, et ce à travers l’analyse de ses échanges commerciaux des biens et services en termes de valeur ajoutée par pays et par secteur.