Dans une entrevue accordée à l’hebdomadaire français « Le Point » et publiée mardi, El Habti déclare que le Maroc, doté d’un potentiel prometteur en matière d’énergies renouvelables, a adopté une stratégie nationale sur l’hydrogène il y a deux ans. Il souligne également que l’UM6P est en tête de la recherche sur l’hydrogène vert, produit à partir des énergies renouvelables, depuis l’émergence de ce sujet.
Le Maroc se positionne en matière d’hydrogène vert comme un hub incontournable dans la région, a souligné le président de l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), Hicham El Habti.
« Cela a commencé par l’amont, à savoir la maîtrise des techniques liées aux énergies renouvelables, le solaire mais aussi l’éolien. De là, nous nous sommes intéressés à toute la chaîne de valeur: de la transformation de cet hydrogène en autres molécules pour produire des biocarburants – par exemple, si on capte le CO2 et que l’on rajoute de l’hydrogène, cela fait du biométhane, et jusqu’au bout de la chaîne de valeur avec la production de l’ammoniac vert. Ce sont les axes de recherche à l’université », précise M. El Habti.
C’est dans ce sillage que se tiendra en juin prochain la troisième conférence organisée sur la thématique de l’hydrogène vert, le World Power-to-X Summit, dans le sud du Maroc à Guelmim, là où le potentiel est le plus important, en solaire et éolien.
« Nous travaillons à l’université sur toute la chaîne de valeur, à savoir la réduction du coût de l’énergie renouvelable, mais aussi sur la question de l’intermittence liée à l’énergie renouvelable, un phénomène qui impacte le fonctionnement de l’électrolyse », enchaîne-t-il.
« L’an prochain, nous devrions disposer d’une plateforme de recherche de 4 MW sur un site industriel au sud de Casablanca. Nous allons produire sur ce site de l’ammoniac qui sera récupéré et utilisé par l’Office chérifien des phosphates (OCP). Ce sont de petites quantités : avec 4 MW, la production est de l’ordre de 4 tonnes d’ammoniac par jour », note le président de l’UM6P.
« Sur cette plateforme, explique-t-il, nous allons tester les différentes technologies d’électrolyses » et « on va analyser l’impact du profil de l’énergie renouvelable sur la performance des technologies pour choisir la meilleure », notant que cette grande plateforme sera disponible en fin d’année, au plus tard début de l’année prochaine.
Il a relève, en outre, que plusieurs équipes travaillent sur cette thématique de l’hydrogène vert par rapport à toute la chaîne de valeur, notamment, sur les matériaux utilisés pour le stockage. « A minima, nous compterons une centaine de personnes sur les différents pôles : panneaux, électrolyses, stockage, production d’ammoniac… », indique-t-il.
Et d’ajouter que la construction d’une deuxième plateforme beaucoup plus importante est également prévue. « Cette plateforme de 10 MW sera parmi les plus grandes au niveau mondial », explique-t-il, faisant savoir que le budget lié à ces deux plateformes est déjà de 50 millions d’euros et sera financé par l’OCP.
« Le groupe a annoncé un nouveau plan de développement vert en décembre dernier, avec pour objectif de produire 1 million de tonnes d’ammoniac vert à l’horizon 2027. Aujourd’hui, l’OCP ne produit pas d’ammoniac, mais l’importe et cherche à travers la recherche à se positionner sur le développement et la production », détaille M. El Habti, ajoutant que son investissement dans la R&D doit lui permettre de déterminer entre les différentes technologies, le choix du profil de l’énergie verte.
Pour ce qui est des perspectives, il relève que « l’OCP est l’un des plus grands importateurs d’ammoniac, au niveau mondial, il va donc substituer une partie de ses imports par un ammoniac vert, cela rentre dans ses engagements de neutralité carbone ».
L’entreprise a pris un engagement scop 1 (émissions directes de GES produit par l’entreprise), scop 2 (émissions indirectes liées à l’énergie) à 2030 et scop 3 (émissions indirectes qui ne sont pas sous le contrôle de l’entreprise) 2040, explique-t-il, relevant que l’OCP entame déjà sa décarbonation de toute la chaîne de production, et dans ce cadre-là, il sera producteur d’ammoniac vert ce qui va lui donner l’opportunité de produire des engrais verts.
« Cet ammoniac vert devrait représenter 25 à 30 % de l’ammoniac total utilisé par l’OCP à l’horizon 2027. Une fois cette première étape passée cela pourra monter en puissance. Cet ammoniac vert peut aussi avoir d’autres usages, et notamment celui de carburant vert pour le transport maritime, souvent pointé du doigt pour ses émissions de CO2 », explique-t-il.
« Si on s’arrête à l’étape hydrogène sans aller jusqu’à l’ammoniac, et que l’on capte du CO2, par exemple auprès des cheminées des centrales à charbon, et qu’on le mélange avec de l’hydrogène vert on aura de l’éthanol, un biocarburant. Son utilisation peut aussi se décliner dans la mobilité légère. Il faut alors développer un parc automobile et des stations-service adaptés pour avoir des voitures à l’hydrogène. Nous menons des recherches sur les piles à hydrogène », poursuit-il.
Le président de l’UM6P a, par ailleurs, annoncé le lancement au sein de l’université, à partir de septembre, d’une filière 100 % hydrogène, avec un master. « Actuellement, nous abordons l’hydrogène à travers l’étude de la chaîne de valeurs. Nous allons prendre les différentes formations qui avaient lieu à gauche à droite pour les réunir. Demain, il s’agit de gérer cette plateforme. L’enjeu majeur est celui des ressources humaines. On se lance dès maintenant pour les préparer », a-t-il fait savoir.